Le 13 mars 2025, le quotidien de Véronique (prénom modifié), 13 ans, bascule brutalement. Élève de quatrième au collège Émile Zola de Rennes, elle subit depuis plusieurs semaines un harcèlement sournois sur les réseaux sociaux. « Ils avaient créé un groupe sur Instagram, ils étaient neuf », raconte sa mère. « Il y avait des propos sexistes, humiliants, des insinuations sur sa vie sexuelle. C’était immonde. » Le harcèlement ne reste pas cantonné aux réseaux. En plein cours de mathématiques, une étudiante de troisième rebaptise son groupe «bodycount » de Véronique. « Le professeur a vu, il n’a rien dit », souffle sa mère dans un courrier envoyé à notre rédaction le 23 avril. « Ce n’était pas discret. Tout le monde en parlait au collège. »
Ce climat délétère finit par faire craquer Véronique. Le 13 mars, au cours d’une altercation, elle gifle sa harceleuse. « C’était une réaction d’épuisement. Elle n’en pouvait plus. » Conseillée, la famille dépose immédiatement plainte. « On nous a déclaré qu’il fallait officialiser les choses. » Mais ce jour-là, c’est Véronique qui est sanctionnée par une exclusion conservatoire notifiée dans la foulée. « Nous n’avons aucune enquête préalable, aucun temps de parole pour comprendre ce qui s’était passé », regrette sa mère.
Le 31 mars, un conseil de discipline est convoqué dans l’établissement. « Nous pensions que le contexte serait au moins évoqué », explique la maman. Lors de la séance, le père de Véronique lit des extraits accablants tirés du groupe Instagram, rappelle l’existence de la plainte. Silence total. « Le principal, le CPE, les enseignants : personne n’a bronché. » Mais la décision est sans appel : exclusion définitive. « Ils ont dit qu’elle devait quitter l’établissement sans retour possible », raconte la mère, encore sous le choc. Pendant ce temps, l’harceleuse reçoit une simple mesure conservatoire de 24 heures, sans autre sanction connue.
Après l’expulsion, c’est le vide. « Le rectorat ne nous a proposé aucune solution de scolarisation. Pendant quarante jours, rien. » Des dizaines de mails restent sans réponse. « J’ai menacé de venir m’attacher devant l’Académie, malgré ma triple fracture. C’est seulement là qu’ils ont bougé. » Véronique a fini par être admise dans un autre collège, à Rennes. « Elle est allée visiter l’établissement jeudi et vendredi. Aujourd’hui, elle est enfin retournée en cours. » Mais la blessure est profonde. « Elle a perdu ses amis, ses repères. À 13 ans, c’est très dur de tout recommencer. »
Ma fille ne nie pas son geste », insiste sa mère. « Elle a reconnu la gifle, elle s’est excusée. Mais le harcèlement, lui, n’a jamais été puni. »
Interrogée, l’Académie de Rennes explique sa position dans un communiqué envoyé à notre rédaction. « La décision d’exclusion a été prise à l’issue du conseil de discipline organisé par le collège Émile Zola de Rennes, après un incident grave dans l’établissement. Immédiatement, les conseillers techniques en charge de ces dossiers ont été alertés après la mesure. » Parallèlement, les référentes de harcèlement de l’académie de Rennes se sont saisies de l’affaire. « La famille a été reçue et accompagnée tout comme l’établissement qui a géré une situation complexe. » Selon le Rectorat, « un accompagnement auprès de l’élève et de ses parents a alors été initié », même si « plusieurs sollicitations adressées par le service social académique » sont restées sans réponse de la part de la famille.
Prochainement, les parents ayant fait appel de la décision du conseil de discipline, une nouvelle commission sera sous peu réunie de manière anticipée ». Depuis, poursuit-elle, « la situation de la jeune fille est prise en charge et la continuité de sa scolarité est assurée dans un autre collège de Rennes ». « Elle a été accompagnée dans son nouvel établissement et sa condition fera l’objet d’un suivi régulier », précise encore l’académie. Mais pour la mère de Véronique, ces réponses ne suffisent pas. « Quarante jours sans école, c’est trop tard. »
Aujourd’hui, la famille prépare plusieurs actions : un recours gracieux est en cours, une requête devant le tribunal administratif est envisagée, et la ministre de l’Éducation nationale pourrait être saisie. « On ne lâchera rien. Nous avons saisi plusieurs journaux, Ouest-France, Le Canard Enchaîné, le Télégramme. Parce que Véronique n’est pas la seule dans ce cas. On parle tout le temps de harcèlement dans les médias, on organise des journées de sensibilisation dans les écoles, mais dans les faits, quand une victime réagit, on préfère la sacrifier pour avoir la paix. »