Sercq (nom français de Sark) est une île magnifique des anglo-normandes, en face de Guernesey. Dans cette contrée lointaine et maritime, le Tchèque Martin Neudörfl tente de sauver le Sercquais, uniquement parlé aujourd’hui par trois femmes. « Le dernier homme à le pratiquer est mort, il y a deux ans », explique le Praguais.
Depuis maintenant quelques années, le linguiste collecte les mots, écoute les locutrices. « Je les enregistre tout le temps ! », confie-t-il. « Et quand je ne suis pas sur Sercq, je les appelle. Je n’ai pas moins de 96 enregistrements téléphoniques. » Sans cesse, le jeune étudiant est à l’œuvre sur son île. « Je poursuis le travail d’un Français, Pierre Brasseur, dialectologue phénoménal, des années soixante-dix. »
Élève de l’université de Prague, Martin espère achever sa thèse en septembre. « Je me suis toujours intéressé à l’anglo-normand, au français et à l’anglais », indique-t-il. « Un jour, sur le conseil de mon directeur, j’ai écrit au secrétaire de la société sercquaise, Richard Axton. » Depuis, le spécialiste se familiarise avec cette langue archaïque, bizarre et conservatrice. « Le Sercquais était déjà pratiqué au Xie siècle. En le parlant, c’est comme si on s’adressait à Guillaume Le Conquérant. »
En étudiant le Sercquais, le linguiste, en est persuadé ! Il pourra comprendre comment le français, le normand continental, le gallo et le picard, toutes les langues d’oïl ont évolué au cours des siècles. « Nous pourrons savoir comment l’ancien français pouvait raisonner et résonner ! », ajoute-t-il, en souriant.
Désormais, Martin tente de faire revivre cette langue. Il l’enseigne aux écoliers de Sercq. Mais pas uniquement ! En Sercquais, il a composé une chanson, une pièce de théâtre en mémoire de Saint-Magloire et élabore un dictionnaire de grammaire et d’orthographe. « Ce fut une langue manuscrite, » explique Martin. « On retrouve des adresses écrites au roi d’Angleterre et bien d’autres textes anciens. » On connaît surtout tous un mot sercquais : pieuvre. Il fut employé par un certain Victor Hugo dans Les Travailleurs de la mer.
Le saviez-vous ! L’homme qui marche de René Coutelle, est une statue de pierre de plusieurs mètres de haut, à Plouguerneau. Elle représente Victor Hugo contemplant la Manche, cette mer dont il sera entouré pendant toutes ses années passées à Guernesey.