La capitale bretonne est devenue aussi célèbre que Paris pour ses bouchons. Il y a encore quelques jours, faute de ligne B (raison officielle), les embouteillages bloquaient toutes les artères de la ville et la rocade. Les « besogneux » avaient besoin d’une heure et plus pour se rendre de leur domicile à leur lieu de travail. Mais ouf, la « b » est à nouveau en fonctionnement. Mais ouf, il y a des bicyclettes et des bus. Mais non, il y a aussi des travailleurs de l’ombre qui viennent de la périphérie en voiture pour aller bosser moyennant un salaire de misère. Il y a aussi des artisans, des chefs d’entreprises qui se déplacent pour assurer un rendez-vous, un chantier ! On ne transporte pas toujours son barda en vélo cargo…
Aujourd’hui, les patrons ont trouvé la parade. Ils s’organisent autrement. Ils décalent quand ils le peuvent leurs rencontres professionnelles à 11 h (moins de circulation) ou se refusent tout bonnement de pénétrer dans le no man’s land rennais. « Je ne fais plus un repas d’affaire dans le centre-ville », affirme l’un d’eux. Encore plus grave, des employés n’arrivent plus à l’heure au boulot. Au-delà du stress pour nos salariés, qui, pour beaucoup, sont consciencieux, cela enclenche moins de rentabilité pour les entreprises.
Grand groupe bancaire, le Crédit Agricole, installé en infrarocade à la Courrouze, a pris le taureau par les cornes. Il a décidé de louer un espace de 1200 m2 en bord de la quatre voies Redon-Rennes, à deux pas du golf de Cissé-Blossac pour ses collaborateurs du sud de Rennes. « Un million d’euros sont mis sur la table pour remodeler, insonoriser, équiper et décorer ces 1200 m2 », assure le journal Ouest-France dans une récente édition. « Nous voulions ouvrir des locaux à proximité des lieux de nos agents. 75 % vivent en dehors de notre rocade », précise le directeur général du Crédit Agricole.
Le Crédit Agricole espère réduire 28 tonnes de CO2 par an. Mais paradoxalement, il continue à mettre en avant la voiture pour le déplacement de ses employés.
Pourtant, la banque avait été le faire-valoir de la zone d’activités de la Courrouze. Pourtant, elle avait délaissé ses locaux dans le centre-ville (permettant à la ville de faire une belle promotion immobilière). Mais quelques années plus tard, elle est obligée de revoir sa copie. Elle montre ô combien les naufragés de la route sont bien seuls face aux politiques de mobilité. Sans doute aurait-elle pu attendre les prochains trambus, prévus entre Saint-Jacques de la Lande, la Courrouze et le coeur de Rennes. Que nenni ! la banque n’a pas le temps d’attendre et préfère voir ses employés à l’heure au travail. Surtout, elle ne pouvait pas risquer de voir ses collaborateurs prendre encore du retard sur la route entre Saint-Jacques et la Courrouze qui sera bientôt réduite à une voix pour laisser passer les dits-trambus…
Bref, cette mobilité « contrainte » au nom du respect de l’environnement met tout le monde dans l’embarras. Elle enclenche le « chacun pour soi ». Elle incite à trouver des parades. Une politique d’encouragement à la mobilité douce n’aurait-elle pas été la meilleure solution ? Un juste équilibre entre les usagers de la route n’était-il pas un moyen plus efficace pour faire accepter dans les mentalités l’emploi raisonné du vélo, des bus et autres engins ? Devant un tel marasme, il est peut-être grand temps de mener une enquête sur les besoins de chacun dans chaque commune, de prévoir un plan de mobilité à l’échelle de l’agglomération (comme le Grand paris), d’envisager des contournements routiers de Rennes, de programmer l’arrivée des voitures électriques, d’interroger les universitaires, d’augmenter le trafic ferroviaire ? Mais cela suppose peut-être de changer de paradigme, de ne plus continuer sur la même voie, de ne plus chasser l’automobile à tout va. «Le métro n’est pas la seule solution», expliquait un habitant de Saint-Armel. L’homme attendait 19 h pour quitter Rennes et ainsi éviter les bouchons.