Habituellement, les élus jouent du coude pour être sur les photos de nos quotidiens. Ce mercredi 9 avril, la députée socialiste de Rennes, Claudia Rouaux, a usé de cette manière peu républicaine pour tenir à distance une journaliste du média très droitier, Frontières, en marge d’un rassemblement de collaborateurs parlementaires. Elle a en outre gratifié la jeune femme d’un tonitruant : « bien dégage, alors ! » Ce qui, sous les ors de la République, on en conviendra aisément, n’est pas de très bon aloi, même à l’égard d’une reportrice engagée politiquement. Mais les temps changent : les débats à fleuret moucheté, c’est fini. Place aux invectives à ciel ouvert, comme à l’époque de la Chambre bleu horizon.

Au-delà de la caricature républicaine qui sera commentée sur les plateaux de TV, les réactions n’ont pas manqué du côté de la droite et de l’extrême droite. Le Rennais Victor Roulet (Nouvelle Énergie) s’est empressé de dégainer, via un communiqué adressé à notre rédaction. « Ce mardi 8 avril, un cap a été franchi dans l’indignité. Ces comportements ne sont pas anodins. Ils traduisent une radicalisation d’une partie de la gauche, qui confond débat démocratique et intimidation militante. Une élue n’a pas à invectiver une journaliste, encore moins dans l’enceinte de la représentation nationale. Nous appelons solennellement Claudia Rouaux à s’excuser publiquement. »
À l’extrême droite, Gilles Pennelle, cadre breton du RN et conseiller régional, a vu rouge. « Aux côtés de Raphaël Arnault, LFI fiché S, et de Marie Mesmeur, LFI de Rennes, Claudia Rouaux a écrasé contre un mur une jeune journaliste, lui donnant des coups de coude dans le ventre. Ce comportement est indigne d’une élue de la République. Imaginez le tollé si cela venait d’un député du RN… Nous demandons des sanctions du bureau de l’Assemblée, et une condamnation claire de la part de Loïg Chesnais-Girard, président de la Région Bretagne. »
Réputée plutôt discrète, Claudia Rouaux s’est expliquée dans Le Télégramme. Elle affirme avoir « réagi à des provocations », mais elle nie toute agression. Cet incident a eu lieu après la parution d’un dossier de Frontières, intitulé « LFI, le parti de l’étranger ». Leur dernier numéro a en effet vivement agacé les collaborateurs LFI, visés nommément dans une enquête. « Frontières met une cible dans leurs dos. Ces informations pourraient être utilisées par des groupuscules néonazis », ajoute le syndicat CGT, dans un texte sur le site de L’Humanité.
Les trois reporters ont finalement été exfiltrés par la sécurité de la chambre des Lois. Dans un communiqué, le média Frontières annonce son intention de porter plainte. « Nos journalistes ont été pris à partie de manière grave et inacceptable », poursuit le journal, qui « condamne fermement ces actes ». Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, a elle aussi réagi au micro de France Info. « La liberté de la presse doit être observée au sein de notre hémicycle. Toutefois, aucune démarche pouvant s’apparenter à une mise en scène ou à des provocations, quelle qu’en soit la nature, ne saurait être tolérée. Le non-respect de ces règles peut donner lieu à des mesures restrictives d’accès à l’Assemblée et de retrait d’accréditation. » Un message sera adressé au journal, à Mathilde Panot et à la CGT, pour évoquer « l’importance de ne pas créer de troubles à l’ordre public au sein de l’hémicycle.»