Le 23 mars dernier, l’artiste belge Maxime Matthys s’est promené dans les rues de Rennes avec 150 attestations de sortie dûment remplies et collées sur son costume. Réalisée en un heure de temps et dans le respect des règles de sortie, sa performance artistique Sortez couverts a suscité de nombreuses réactions dans les rues rennaises. « Les gens s’arrêtaient. Ils me demandaient le sens de mon action. Ils réfléchissaient », assure-t-il.
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Comme il s’y attendait, le jeune performer a été interpellé par les policiers rennais. « Ils ont prononcé cette phrase magique que j’attendais avec impatience : “pourriez-vous nous présenter votre attestation ? Cela tombait bien, j’en avais plus de 150 sur moi. Comme j’étais dans la légalité, ils ne m’ont pas donné d’amende mais ont détruit mon costume et m’ont demandé de ne plus recommencer. »
Sur la toile, son œuvre, visionnée plus de 20 000 fois, n’est pas passée inaperçue chez les internautes rennais. « C’est un génie incompris », a affirmé l’un. « L’heure n’est pas à l’humour. Il faut prendre les choses au sérieux », a précisé l’autre. Face à ce tohu-bohu, l’artiste s’est expliqué dans les colonnes du journal Médiapart (qui le suit depuis quelques années). « Cette performance n’a pas du tout vocation à remettre en cause le confinement établi, car dans la situation actuelle en France (tant qu’il n’y aura pas de masques, de lits, ni de dépistages massifs), le confinement sauve des vies. Il faut rester chez soi. »
« Mais avec ce costume, ajoute-t-il, j’ai souhaité créer une forme de métaphore de la politique de santé publique actuelle. Le confinement et les attestations sont la conséquence de la pénurie de masques, de l’absence de dépistage massif, du manque de lits de réanimation et de la non prise en compte des alertes par le pouvoir. La quarantaine a été inventée au Moyen Age pour lutter contre les épidémies de l’époque (lèpre, peste…). En 2020, parce que la politique a failli, elle est l’unique mesure possible pour éviter des morts du coronavirus alors que des alternatives plus efficaces existent. »
Dans les pas d’Orwell
A la manière de l’écrivain Georges Orwell ou encore de son alter-ego aussi célèbre Aldous Huxley, l’artiste rennais Maxime veut interroger chacun d’entre nous sur notre situation actuelle de « reclus ». Sans dénoncer le confinement comme dit plus haut, il souhaite incarner la « métaphore du système de surveillance et la privation de liberté mise en place par le gouvernement » à travers un « système d’organisation bureaucratique qui prend en charge tous nos besoins. »
Vivant à Rennes, Maxime Matthys, âgé de 25 ans, a décroché l’an dernier le prix Isem (Images Singulière-ETPA-Mediapart) du jeune photographe pour sa série « 2091–The Ministry of Privacy » (référence à un livre de Georges Orwell), réalisée à Kashgar, l’un des derniers bastions de la culture ouïghoure du Xinjiang, en Chine. Son travail devait être exposé au Centre Pompidou à Paris dans l’exposition Neurones, les intelligences simulées qui s’est ouverte le 26 février. Récemment, il a publié dans les revues 6mois (n° 19) et XXI (n° 49). Pour aller plus loin : le reportage de France Bleu Armorique et l’article de Médiapart.
