« J’étais debout à 7 heures », confie Aline, serveuse du café Le Cortina. « Pourtant, je reprenais mon service uniquement à 10 h. » Comme elle, de nombreux Rennais attendaient ce jour, cette liberté retrouvée, loin d’un virus assassin. Comme elle, ils ont retrouvé leur café, leur restaurant, leur troquet, leur estaminet. Ils trinquaient à la vie et sirotaient du bonheur. En un mot, ils reprenaient leurs habitudes pour oublier un tant soit peu le confinement liberticide et l’enfermement obligé.
Partout dans Rennes, les Rennais et les Rennaises ont envahi les terrasses du Nord et du Sud de la Vilaine. Place Saint-Germain (notre photo), on ripaillait gaiement au nom de l’amitié. Place de la mairie, au Picca, on déjeunait fissa grâce aux serveurs habillés de noir. Place Sainte-Anne, on buvait un café à l’ombre des parasols tandis que place du Champ-Jacquet, on s’envoyait un verre de vin blanc au pied de la statue du plus célèbre maire de Rennes.
En bas de la place des Lices, les restaurateurs de la rue Nantaise servaient les plats et les desserts du jour. Ils refusaient du monde, mais le faisaient avec un grand sourire. Mais pour les plus chanceux attablés, ils se pliaient en quatre, distribuaient des bons mots, jouaient du coude et s’en allaient guillerets chercher l’entrecôte au thé de foin. Dans ce concert de service, d’amabilité et de sourires, on entendait à peine le bruit des pas pressés des serveurs, le tintamarre des assiettes virevoltant au-dessus des têtes et des verres levées au gré des rasades de bon vin.
Au hasard des terrasses, les clients retrouvaient des visages oubliés, lisaient leur journal, discutaient avec leurs voisines et fumaient une cigarette. Ils saluaient les habitués, perdus de vue et visiblement vieillis par quelques mois de stress. Mais assurément, ils ne goûtaient pas leur plaisir. Ils redécouvraient la vie à la française, le farniente obligé et, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils appréciaient volontiers ces retrouvailles bistrotières.