Il est des hommes qui se battent pour l’intérêt général, loin des intérêts particuliers. Leur lutte paraît parfois un brin éculée, quand ils ne sont pas accusés d’être rétrogrades. Mais ces hommes-là ont bien du courage pour affronter les puissants de ce monde et défendre des causes qui dépassent largement les égoïsmes. Michel Coignard fut de ceux-là. Il était le chantre du patrimoine rennais. Président emblématique des Amis du Patrimoine rennais, il n’a cessé, sa vie durant, de porter haut la parole de la mémoire urbaine. Michel Coignard est décédé à l’âge de 80 ans.
Stéphane Bern local
Pour une maison, une église, un monument… il était de tous les combats. L’homme n’hésitait jamais à interpeller les élus dans la presse, à écrire et la presse pour faire plier les élus. Mais lui ne pliait pas. Il résistait, comme le roseau du patrimoine, souple dans les formes, ferme sur le fond. Engagé, il savait donner de sa personne avec discrétion, constance et humour. « C’était un grand bonhomme », résume Daniel Enocq, spécialiste du mosaïste Odorico.
Le vrai homme est celui qui proteste contre l’injustice. » Albert Camus.
À son actif, Michel Coignard avait créé avec ses amis le Prix Galette, remis chaque année à une initiative exemplaire en faveur du patrimoine. Il y a peu, la récompense fut décernée à Sophie Biger, propriétaire de la ferme de la Petite-Palestine, rue du Thabor, pour sa restauration fidèle d’une longère en terre. Bien souvent, il s’indignait comme pour le Palais du Commerce. « L’affaire a été vite réglée, alors qu’on voit bien que ce n’est pas seulement un projet privé », confiait-il dans les colonnes d’Ouest-France. Mais il était loin d’être buté ! Il savait aussi reconnaître les avancées. « Sur centre historique, la Ville a fait un travail remarquable. La maire Nathalie Appéré y est pour beaucoup. Elle avait commencé à se saisir du dossier sous l’ancienne municipalité, alors qu’elle était première adjointe. »
Contre les destructions de belles demeures, Michel Coignard avait sans doute le sentiment d’être des Don Quichotte de l’urbanisme. Mais il savait mener des combats jusque devant le tribunal administratif où sa verve maîtrisait plus que tout le verbe ! « Si nous sommes bien conscients de la nécessité de faire évoluer Rennes, en densifiant, il est important d’y procéder dans le respect des documents d’urbanisme et de la diversité architecturale », aimait-il rappeler.
Fondée en 2004, dans la foulée de la destruction brutale de la chapelle de la Visitation, son association était née d’un refus : celui de voir la mémoire disparaître en silence. Elle était surtout d’une volonté : préserver la richesse de notre ville. Sous l’impulsion de Michel Coignard, les Amis du patrimoine se sont imposés comme un acteur vigilant, exigeant, mais ferme. « Le patrimoine, disait-il dans notre journal, est un témoin primordial de notre histoire et de notre passé collectif. L’avenir ne saurait se construire en effaçant ce qui nous a précédés. De solides racines nous font tenir debout. »
Des chantiers, il y en eut. Le lavoir de Chézy, le Jeu de Paume, l’héritage ferroviaire, la prison Jacques Cartier… Partout, l’association a semé des graines d’espoir. Elle a attiré l’attention d’un public de plus en plus large, y compris parmi les plus jeunes. Peut-être grâce à ce grand bonhomme… Michel Coignard fut aussi engagé dans la vie sociale, notamment au sein du centre Carrefour 18. Son inhumation aura lieu le mercredi 2 juillet 2025, au crématorium de Vern-sur-Seiche. Rennes lui doit un hommage. Et ses murs, parfois sauvés de justesse, sauront peut-être se souvenir de lui.
Crédit : photo de profil de Facebook.