Du temps de l’ancien maire Edmond Hervé, la préfecture voyait d’un mauvais œil l’ouverture de nombreux établissements dans la rue Saint-Michel. Mais face à la volonté d’un élu local et de ses équipes, il n’est pas toujours facile de lutter. Depuis, la rue Saint-Michel a prospéré bien plus que certains l’espéraient. Elle est devenue la mythique rue de la Soif (cour des Miracles pour certains), tant vénérée par les étudiants et tous les boit-sans-soif de France et de Navarre. « J’ai hâte de la découvrir », expliquait une jeune femme en covoiturage à un vieux rennais. « On m’en parle tellement souvent. »
Bordée de maisons en pans de bois, cette artère pavée où Molière joua quelques représentations est une composante festive de notre patrimoine. Animée à partir du jeudi soir, elle est très fréquentée la nuit. Elle l’est même beaucoup trop pour les riverains qui se plaignent du bruit et des nombreuses bagarres. Il y a peu, elle aurait compté jusqu’à quinze troquets, battant à plat de couture la rue des Cordeliers de Bayonne, la rue Masséna à Lille et la rue de Lappe à Paris.
Encore aujourd’hui, des estaminets sont toujours ouverts. Il y a le Sunset café, L’Annexe, Le Baratin, Le Terminal, Le Saint-Michel, Le Monsieur Zinc, Alex Tavern… En revanche, ils sont de moins en moins nombreux. « La moitié de la rue ne comprend plus de pubs, » assure un voisin. Depuis, la fermeture du Barantic, du Madison, de l’Aeterman (tous trois rachetés par Territoires publics) ou du 1929 (dans une fameuse cour maintenant désaffectée), certains crient à la gentrification sur les réseaux sociaux. Dans leur ligne de mire, les autorités sont pointées du doigt. « Nous avons l’intention de limiter les activités commerciales de soirée pour proposer des activités diurnes dans la rue Saint-Michel», confirmait dans Ouest-France, l’adjoint Marc Hervé, fils de l’ancien maire et laudateur de la rue de la Soif.
Les autorités ont laissé se dégrader la situation pour mieux prendre la main sur le secteur, » assure un ex bistrotier.
Derrière ces fermetures, Territoires publics, bras armé de la réhabilitation du centre-ville, est à la manoeuvre. Mais pour le coup, la gentrification ne serait pas la seule raison. L’organisme parapublic et la ville manient l’expropriation pour compenser le manque des propriétaires à effectuer des travaux de rénovation et de restauration. Mais ces fermetures annoncent-elles la fin programmée du caractère festif de la célèbre artère ? « En développant le Mail, la municipalité tente de créer d’autres lieux et de déplacer la fête ailleurs, bien loin du couvent des Jacobins », assure une proche du dossier. L’idée n’est pas bête. Mais on ne change pas les mentalités comme cela, à coups de decrets. » La rue Saint-Michel (ou plutôt le quartier) ne serait pas encore morte. En témoigne la vitalité des cafés de la place Sainte-Anne comme la Bonne Nouvelle, Le Ty Anna, Le Comptoir, L’artiste assoiffé, l’Atelier de l’artiste ou le Petit bar.