Une fusillade a éclaté ce jeudi 17 avril en plein après-midi dans le quartier de Villejean, à Rennes. Les faits se sont déroulés peu avant 17 h dans un Subway du quartier. Trois personnes ont été blessées par balles. Toutes ont été transportées au CHU (voir notre article), leur pronostic vital ne serait pas engagé selon une source proche de l’enquête.
La scène a été particulièrement violente et s’est produite en présence de plusieurs témoins, dont deux élus de l’opposition centre-droit, Charles Compagnon et Nicolas Boucher, qui se trouvaient dans le restaurant au moment des tirs. « Avec Charles, on avait rendez-vous avec un ancien colistier de 2020 pour parler projet municipal », raconte Nicolas Boucher. Devant se retrouver au Provençal, un autre établissement du quartier, les trois hommes se replient sur le Subway, « plus familial ». « Le Provençal ferme à 15 h, à cause des trafics », ajoute-t-il.
Alors qu’ils prennent un café, les deux élus évoquent leurs projets vidéo pour les quartiers rennais. « Demain, on revient pour tourner à Villejean », affirme Nicolas. « A cet instant, on commençait à dire qu’on aimerait parler de sport, de culture… et pas toujours d’insécurité. » C’est alors que trois jeunes, entre 18 à 23 ans, pénètrent dans le restaurant. Leur comportement intrigue immédiatement Nicolas Boucher. « Normalement, tu commandes d’abord », affirme Nicolas. « Mais eux se sont installés juste à côté de moi sur une banquette, sans rien prendre. »
Les échanges entre eux sont confus, tendus. « J’étais en alerte », précise l’élu. Puis tout s’accélère. « Une fille a dit à sa mère : allonge-toi par terre, sous la table ! Et là, on a entendu les coups de feu. Charles, en face de moi, a aperçu les tireurs arrivant de la rue, cagoulés, armés. » Immédiatement, Nicolas Boucher hurle à son ami : « Charles, jette-toi au sol ! ». Dans un geste de survie, les deux hommes se plaquent face contre terre, juste avant que les tirs ne retentissent. « Le tireur est resté à l’entrée. Il a tiré. Pam, pam, pam, pam. »
Une fois les coups de feu terminés, un silence lourd s’installe durant de longues secondes. « Il n’y avait plus rien. Juste les jeunes qui disaient : je suis touché, j’ai pris une balle. » Nicolas Boucher tente de rassurer, d’aider les victimes « J’ai amené de l’eau, j’ai regardé les blessures. Un projectile était entré dans la jambe de l’un. Un autre avait le jogging plein de sang. Le troisième, atteint à l’abdomen, était en mauvais état. »
Charles Compagnon, encore sous le choc, réagit avec sang-froid selon son ami. « Il a pris les jeunes et les a mis à l’abri dans la réserve de peur que les assaillants ne reviennent. Avant l’arrivée des pompiers, j’ai eu le temps de faire trois allers-retours avec de l’eau, de parler avec une jeune fille. » Ce matin, l’émotion est toujours vive. Mais pour Nicolas Boucher, cette scène de violence s’inscrit dans un climat qu’il connaît bien. « Chez moi, j’ai un point de deal en face. Quand je vais effectuer mes courses, je passe entre les dealers. C’est mon quotidien. » Même ses enfants témoignent de ce climat : « Un jour, ils sont rentrés de l’école et m’ont lancé que les policiers avaient fouillé des jeunes dans leur cour. »
À force de vivre dans cette ambiance, dit-il, « on s’habitue. » C’est peut-être ce qui l’a poussé à se relever aussi vite. « Je me suis dit : ce n’est pas nous aujourd’hui, on continue. On est là, on avance. » Selon lui, Charles Compagnon a eu une réaction admirable. « J’ai vu un chef. Il organisait, il rassurait. Dans ces moments-là, on découvre les vrais leaders. » Nicolas conclut, un brin désabusé, mais lucide. « C’est en recevant des dizaines de messages, même de ministres, que je me rends compte que ce qu’on a vécu n’est pas normal. » Ce matin, Nicolas pense à la jeune fille de 6 ans qui était dans le café…avec son papa.