Historiquement, CEDEX offrait aux entreprises et aux administrations des services postaux prioritaires, notamment la collecte et la remise du courrier via des circuits dédiés. Dès le 22 septembre 2025, sa suppression s’inscrit dans une stratégie plus large de restructuration de la Poste. Cette décision, qui concernerait une quarantaine d’emplois directs et près de trente autres postes, suscite une vive opposition parmi les salariés et les syndicats.
Derrière cette restructuration, La Poste aurait la volonté de réorienter son activité vers un modèle inspiré du commerce en ligne, avec un nouveau service baptisé « Log’issimo ». Elle justifierait cette évolution par la nécessité de s’adapter à la baisse des volumes de courrier et à la montée en puissance des solutions numériques. « Nous devons moderniser notre offre et répondre aux actuels besoins des entreprises. L’essor de Log’issimo nous permet de proposer un service plus en phase avec les attentes du marché », explique une source interne à la direction.
Ce dispositif, qui repose sur des plateformes logistiques locales, fonctionne comme un « mini Amazon », avec des zones de stockage, de commandes et de livraisons dédiées. Rennes Armorique, située à Noyal-Châtillon, expérimente déjà ce modèle avec quelques clients, mais son développement reste incertain. « Ce projet n’offre aucune garantie de pérennité. On nous présente Log’issimo comme l’avenir, mais combien de services similaires ont été lancés puis abandonnés par La Poste ces dernières années ? », s’interroge un représentant syndical de SUD-PTT d’Ille-et-Vilaine.
Les précédents projets comme Dilipack ou Urby ont été abandonnés après seulement deux ans d’existence, RAPPELLE LE SYNDICAT.
Derrière cette transition, les salariés du Cédex voient leur avenir professionnel basculer.. « On nous impose un transfert vers Log’issimo, avec une modification de nos contrats. Nous devrions changer de lieu de travail, renoncer à notre qualification actuelle et devenir des “agents supply chain”. En clair, nous perdrions aussi les primes associées à nos fonctions, soit plus de 1000 euros par an », dénonce un employé de Rennes Colombier sous couvert d’anonymat.
L’inquiétude est d’autant plus forte que les salariés redoutent que Log’issimo ne soit qu’une transition temporaire avant une nouvelle restructuration. « Rien ne garantit que ce service tiendra dans la durée. On nous demande de quitter nos postes pour une activité qui pourrait disparaître dans deux ans », alerte un agent, en fonction depuis plus de dix ans.
Face à cette restructuration, la préoccupation s’est rapidement transformée en colère. Les employés de Cédex de Rennes avaient déjà exprimé leur opposition à un tel projet dès 2022, avec un mouvement de grève suivi à 100 %. Deux années de mobilisations et de débrayages n’ont pas empêché la direction de maintenir son plan. Aujourd’hui, le climat est plus tendu que jamais. Selon plusieurs témoignages, des pressions seraient exercées sur les salariés pour qu’ils quittent leur poste ou acceptent un reclassement forcé. « Depuis un an, les intérimaires se voient proposer des CDD de courte durée pour mettre fin à leur contrat en douceur. Plusieurs agents ont été poussés à la rupture conventionnelle, et d’autres sont convoqués de manière répétée sans motif clair », dénonce un représentant syndical.
La situation a déjà eu de graves conséquences. Trois femmes, employées de longue date à Rennes Cédex, sont actuellement en arrêt pour accident de travail après des convocations qu’elles jugent abusives. Ces mêmes salariées s’étaient présentées aux élections du CSE de la DEX Bretagne en octobre 2024, ce qui alimente les soupçons de discrimination. Le syndicat SUD-PTT d’Ille-et-Vilaine dénonce ce qu’il qualifie de « harcèlement moral institutionnel » et annonce avoir saisi l’Inspection du travail. Il pointe du doigt les méthodes de la direction de La Poste accusée de mettre une pression inacceptable sur les salariés. « Nous sommes face à une situation où des dirigeants poussent délibérément des agents à bout pour les faire partir. C’est une politique scandaleuse, et nous n’allons pas en rester là », martèle un représentant de SUD-PTT.
Le syndicat déplore l’absence de toute concertation sérieuse avec la direction et demande un moratoire immédiat sur la fermeture du Cédex. « La Poste avance sans négociation et méprise les alertes des salariés. Nous exigeons des garanties sur l’avenir des agents et des discussions sur des alternatives viables », réclame un responsable syndical. Face à la montée des tensions, la direction n’a pour l’instant pas réagi publiquement. Les syndicats, de leur côté, annoncent d’ores et déjà de nouvelles mobilisations dans les semaines à venir.
