« C’est lui le futur Mbappé », lance un jeune migrant isolé en désignant son camarade. « Moi, je suis plutôt basketteur ! » Dans une chambre du centre d’hébergement flambant neuf, un Malien échange avec le président du conseil départemental, Jean-Luc Chenut. « Le soir, l’extinction des feux est à 23 heures », explique-t-il. « Je partage la pièce avec un autre adolescent. Ici, c’est pratique : nous sommes juste en face de la gare. Cela nous permet de rejoindre facilement Saint-Malo pour mes cours, et Rennes pour ceux de mon ami. »
Ici, on a eu la chance de pouvoir acquérir une ancienne auberge de jeunesse désaffectée, avec un fort soutien de la municipalité », précise Jean-Luc Chenut.
Au rez-de-chaussée, le directeur de l’établissement, Gabin Brouard, présente les cuisines. « Ils font la popote eux-mêmes », explique un éducateur. « Mais nous sommes toujours là en appui. Il y a une présence permanente sur place. » Face à l’augmentation continue du nombre de mineurs non accompagnés (MNA) en Ille-et-Vilaine, le Département a ouvert ce nouveau centre en janvier 2025 à Dol-de-Bretagne. Installé dans une ancienne auberge rénovée, le lieu héberge 22 jeunes — 20 garçons et 2 filles — venus principalement d’Afrique de l’Ouest, notamment de Guinée et du Mali. « Ils sont accompagnés par les équipes des Apprentis d’Auteuil, dans un cadre pensé pour les mener vers l’autonomie », souligne le directeur.
Devant cette réalité, Jean-Luc Chenut rappelle l’ampleur de la mission. « Aujourd’hui, environ 920 mineurs sont pris en charge par le Département. » Malgré les efforts, les places se remplissent rapidement. « Le site de Dol-de-Bretagne complète un réseau de structures existant à Rennes, Liffré ou Saint-Malo. L’objectif est de mieux répartir l’accueil sur tout le territoire, y compris en zone rurale. »
Un lieu de vie et d’avenir
Le bâtiment de 398 m² compte 12 chambres, des espaces communs et une cuisine, permettant une vie en collectivité respectueuse de l’intimité de chacun. L’encadrement est solide : sept éducateurs accompagnent les jeunes au quotidien. « Le centre ne se limite pas à l’hébergement. Il assure également la scolarisation, le suivi médical, et l’accès à la culture, au sport et à la formation », indique un professionnel.
Beaucoup de jeunes jouent au football dans les équipes locales ! » Un professionnel.
Tous les MNA sont engagés dans un parcours éducatif : collège, lycée ou apprentissage. Pour ceux qui, à leur majorité, n’ont pas encore de solution durable, le Département propose un contrat « jeune majeur » jusqu’à 21 ans. Ce dispositif facilite leur passage à l’autonomie grâce à des logements adaptés, comme les résidences « habitat jeune ». Le partenariat avec les Apprentis d’Auteuil garantit un accompagnement à la fois bienveillant et structurant. « Les résultats sont là : plusieurs garçons et filles ont obtenu un bac pro, une licence, voire un master. D’autres ont trouvé leur voie dans des métiers en tension, comme la boulangerie. »
L’acquisition du bâtiment a coûté environ 1,2 million d’euros, auxquels s’ajoutent 100 000 euros de travaux de mise aux normes. Le fonctionnement annuel est estimé à un peu moins de 900 000 euros, financés à 98 % par le Département. « C’est une composante essentielle de la protection de l’enfance, qui représente le premier budget de notre collectivité », rappelle Jean-Luc Chenut. Le budget total dépasse 225 millions d’euros en 2024, dont une large part est dédiée à l’accueil des MNA. Pour le président, il s’agit d’un impératif moral. « On ne peut pas laisser des adolescents à la rue, à 10 ou 12 ans. Dès lors que leur minorité est reconnue, les conventions internationales nous obligent à les protéger. Et c’est ce que nous faisons, du mieux possible. »