Ce lundi 9 septembre 2024, l’ambiance est pesante dans la salle 105 au premier étage du tribunal correctionnel de Rennes. Un père de famille âgé de 48 ans comparaît pour violences et menaces de mort, infligées à sa compagne et à leurs cinq enfants, sur une période de plus de 25 ans.
.Tu déposes plainte, je te coupe la tête », l’homme.
Dans les différentes résidences familiales, de Melesse à La Réunion, en passant par Mongermont et La Mézière, la maman a vécu un vrai calvaire. Sans téléphone, sans internet, elle subit quotidiennement des sévices et des insultes. « J’étais son esclave. Si en comptant jusqu’à 5, il n’avait pas son assiette, il me tapait ! » Le régime est le même pour ses cinq enfants âgés de 8 à 24 ans. Ils sont frappés, humiliés. Ils vivent sous le joug paternel. « Si tu portes plainte, je te coupe la tête », répète le père à sa progéniture. Devant les enquêteurs, les témoignages sont particulièrement glaçants. « Mon père a commencé à me battre quand j’avais huit ans. Nous habitions la Réunion », raconte une première victime. « Il me donnait des claques et des coups de poing », poursuit un autre.
Il me demandait de baisser mon pantalon pour me frapper avec une ceinture », un des enfants.
Pour justifier les gifles, le prévenu trouve toujours un prétexte : un ménage mal fait, une table mal dressée ! « Il me frappait quand je m’interposais entre lui et ma mère », ajoute un des frères. « Il se promenait avec un tournevis, une machette et une bombe lacrymogène. J’ai déjà pensé à me suicider plusieurs fois », dira un autre. Durant près d’un an, l’un des enfants, âgé de 9 ans, est même privé d’école. Il doit rester enfermé dans sa chambre pour cacher les hématomes qui recouvrent son corps.
À la barre, l’accusé, un homme d’1m80 aux cheveux poivre et sel, reste de marbre, même face à la gravité des poursuites. « Comment expliquez-vous toutes ces violences, ces insultes et ces menaces ? », interroge la présidente du tribunal. Derrière le box vitré, l’individu ne répond pas. Il baisse la tête. Il ne cille pas non plus devant son expertise psychiatrique. « Il souffre d’un trouble de la personnalité avec une dangerosité avérée », précise le spécialiste. Seule justification invoquée par le prévenu : « Je bois deux bouteilles de whisky et je fume 7 à 8 joints de cannabis par jour depuis plus de 10 ans. »
Devant lui, un premier enfant s’avance mais il n’arrive pas à s’exprimer. Les autres membres de la famille, marqués, n’essaieront même pas. Ils suivront les débats depuis les bancs de la salle d’audience. À la barre, Renaud de Lorgeril, avocat de la partie civile, est révulsé. « Cette affaire me glace le sang. En entendant les pleurs de cette famille dans mon dos, je ne peux pas accepter les larmes de crocodile de ce père qui, depuis 25 ans, frappe, humilie, insulte et terrorise ses propres enfants et leur mère. » Saluant le courage des victimes, son plaidoyer bouleverse l’assistance. « Je suis partagé entre le dégoût et une forte compassion pour vous, monsieur, parce que vous avez dû souffrir profondément pour faire autant de mal à vos proches. »
« Non, ce n’est pas un monstre, » nuance Franziska Mosimann, l’avocate de la défense. « Son vécu est en partie responsable de son passage à l’acte. Nous attendons une peine équilibrée et juste ». Le tribunal a finalement condamné l’homme à cinq ans de prison, une sanction plus lourde que celle requise par la vice-procureure Françoise Peucheret (quatre ans d’emprisonnement, dont 1 an de sursis probatoire). Il a prononcé le maintien en détention ainsi que le retrait de l’autorité parentale sur ses deux enfants mineurs.