Ce 12 juillet 2024, le septuagénaire Jean-Yves Prigent, ancien champion du monde de canoë-kayak et entraîneur du pôle de Cesson, est assis sur les bancs du tribunal correctionnel de Rennes. Tête baissée, il tremble de tout son corps. Il sanglote. À l’énoncé de son nom, il rejoint la barre où devant lui la présidente de la juridiction égrène les faits sordides commis à l’égard de deux mineurs de 16 ans et 17 ans. À Châteauneuf-sur-Cher, en mars 2024, dans son camion aménagé, il caresse le dos d’un jeune kayakiste et pose la main sur son sexe. Immédiatement, sa victime lui dit d’arrêter. Un jour plus tard, l’ex-star récidive auprès d’un autre sportif du même âge. Mais cette fois-ci, il va plus loin. Profitant de son sommeil, il glisse ses doigts dans le caleçon de sa « proie ».
Une descente aux enfers
Quelques jours plus tard, la première victime se rend avec son père à la gendarmerie de Bruz. Immédiatement, l’étau se resserre sur Jean-Yves Prigent, placé en garde en vue où il reconnaît les faits. Devant les enquêteurs, l’ancien champion tente de minimiser sa responsabilité. « Quand il m’a repoussé, j’ai arrêté aussitôt », explique-t-il. Mais pour les victimes, c’est une autre musique. Les deux garçons ne vivent pas bien l’affaire, mais pas bien du tout. L’un n’a pas osé porter plainte de peur des répercussions dans le milieu sportif et de gâcher sa carrière. L’autre a décroché scolairement. « C’est une descente aux enfers », affirme le père de l’un d’eux.
Devant les magistrats, Jean-Yves Prigent essaie d’expliquer son geste. « J’ai eu un moment d’égarement », assure-t-il. « J’ai déraillé. J’ai eu une pulsion, une défaillance. Mais je me suis rendu compte de ma c… » Devant la présidente, Julie Boudier, il présente ses excuses aux victimes, aux familles. « J’ai des remords au quotidien. Ce sont cinquante ans de militantisme qui s’effondrent en deux soirées ! J’ai honte de moi, de mes actes. Je n’ai pas de mots pour définir ce que j’ai commis. Le kayak, c’est fini pour moi, il faut que je me reconstruise ailleurs. »
Comment expliquez-vous vos attirances pour les adolescents ? », demande la présidente. « Au lycée, j’ai peut-être été attiré. Je ne sais plus», précise-t-il.
Face aux flux des questions de l’avocat des parties civiles (Thomas Serrand), Jean-Yves Prigent reconnaît un comportement inapproprié. Il n’aurait pas dû envoyer des messages tendancieux (« je pense bien à toi, tu es très beau ! »). « J’ai dépassé les limites. Je souffrais de solitude. J’aurais dû rester dans mon rôle d’entraîneur », admet-il. « Je ne me suis pas rendu compte des conséquences de mes gestes. » De l’autre côté de la barre, Thomas Serrand ne croit pas en des actes sordides « isolés ». « Le processus d’emprise avait commencé bien avant ! Jean-Yves Prigent a profité des failles de ses victimes. Il leur faisait des cadeaux, des compliments. Il leur envoyait des centaines de messages. La réalité est tout autre. Jean-Yves Prigent a des attirances pour les mineurs. Encore maintenant, une enquête est en cours. »
Vous semblez plus préoccupé par votre réputation que par le sort de vos victimes », un magistrat.
La représentante du ministère public, Margaux Raoul, n’est pas plus tendre envers Jean-Yves Prigent. « Il a entretenu une relation anormale. Nous ne sommes pas dans des moments d’égarement. » Plus que jamais, elle préfère saluer le courage de ces deux hommes. « Ils ont dénoncé les comportements de leur entraîneur et par la même occasion, ils ont préservé d’autres victimes. » Défendant Jean-Yves Prigent, Cassandre Férard reconnaît des « faits impardonnables, répréhensibles » commis par une personnalité connue du monde du kayak. « Il a eu à cœur de mettre des jeunes au meilleur niveau, de permettre aux plus motivés de progresser. Il n’hésitait pas à leur faire des cadeaux (des pagaies…).»
Devant les magistrats, l’avocate met enfin à l’actif de Jean-Yves Prigent ses aveux. « Il ne s’est pas caché derrière son petit doigt. Il essaie avec son psychologue de comprendre les raisons de son passage à l’acte. Mais il n’exclut en rien les faits », ajoute-t-elle. Le tribunal a suivi les réquisitions du parquet. Jean-Yves Prigent a été condamné à quatre ans d’emprisonnement, dont un an ferme qu’il purgera sous bracelet électronique. Sa peine est assortie d’un sursis probatoire avec l’obligation de soins, de ne pas entrer en contact avec les victimes et de ne pas paraître au pôle France de canoë-kayak de Cesson-Sévigné.