Depuis ce samedi, Rennes fait face à des crues exceptionnelles. Mais un endroit vaut vraiment le détour : les prairies Saint-Martin. En plein cœur de la capitale bretonne, ce havre de verdure est méconnaissable, noyé sous les eaux. Ici, la nature a repris ses droits. Elle a transformé les sentiers familiers en méandres impraticables et les pelouses en vastes miroirs. Même les bœufs du coin ont cherché refuge sur des hauteurs plus sèches.
Seul, le monticule central — terrain de jeu des enfants — résiste encore et toujours à l’assaut des flots, telle une arche de Noé providentielle pour la petite faune locale. Partout ailleurs, des étangs, que disons-nous des lacs, ont métamorphosé le lieu de promenade en une sorte de marais où il est impossible de pénétrer par les accès habituels.
Mais si le spectacle est saisissant, il est aussi salvateur. Car ces trente hectares d’espaces naturels ont visiblement joué un rôle essentiel dans la protection des riverains. Sans eux, les habitants du quartier Saint-Martin auraient sans doute connu une inondation historique. « Jusqu’à 60 000 m³ d’eau peuvent être stockés ici lors d’une crue », rappelait Éric Lechevallier, responsable du service maîtrise d’ouvrage à la Direction des jardins, dans les colonnes d’Ouest-France. Une véritable respiration pour Rennes, qui doit composer avec l’urbanisation croissante des quartiers de Plaisance et d’Armorique (à proximité), et plus largement avec la densification du bassin de la Vilaine.

Ainsi, les prairies offrent ces jours-ci un tout autre spectacle. Peut-être faudrait-il relire Marguerite Yourcenar qui aimait dire : « L’eau enseigne au songeur qu’il n’y a rien de stable sous le ciel. » Dans quelques jours, les prairies retrouveront peut-être leur visage habituel, et cette parenthèse aquatique, espérons-le, ne sera plus qu’un très mauvais souvenir !
