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mardi 11 février 2025
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JEAN-PIERRE : L’INVISIBLE DEVIENT VISIBLE SUR GRAND ÉCRAN

Tout commence par une discussion entre le journaliste d’Actu Rennes Hugo Murtas et son ancienne rédactrice en chef, Carole Gamelin dans une salle de rédaction. « Jean-Pierre, tu le connais ? », lui dit-elle. « Il faut que tu ailles le voir. » En rencontrant le SDF le plus célèbre de Rennes, à la République, Hugo croise un sacré personnage, un homme dont le parcours et la personnalité méritaient bien plus qu’un simple papier. De retour de reportage, Hugo partage son enthousiasme avec son voisin et vidéaste, Frédéric Le Guennec.

Dans le quartier Arsenal-Redon, un Graff sur Jean-Pierre.

Ensemble, Hugo et Frédéric décident de raconter l’histoire de Jean-Pierre. Ensemble, ils vont filmer le sans-abri de 63 ans. « Ce qui nous a frappés chez Jean-Pierre, c’est qu’il écrivait tous les jours. Cela nous a touchés, émus. À une époque où prendre la plume est devenu rare. Lui remplissait des cahiers d’histoires, de réflexions et de poésie. On a cherché à comprendre pourquoi, et surtout, comment il voyait le monde. »

Des bouts de ficelle et beaucoup de cœur

Au fil des jours, le projet se construit sans budget ni équipe technique. Une caméra, un trépied, un micro, et surtout du temps. Beaucoup de temps. « On n’avait aucune subvention. On a tout fait nous-mêmes, à nos heures perdues », indique Hugo. Cette approche « minimaliste » a sans doute permis aux deux réalisateurs de tisser une relation de confiance avec le SDF. « La première fois, il nous a accueillis avec méfiance. Mais la deuxième fois, il a dit oui tout de suite, presque avec enthousiasme. »

Toutefois, le tournage n’est pas toujours simple. L’homme à la barbe blanche vit au jour le jour, en fonction de ses besoins immédiats. « Parfois, on arrivait avec notre caméra, mais il n’était pas disponible. Pas parce qu’il ne voulait pas, mais parce qu’il avait d’autres priorités : manger, ranger ses affaires, se préparer pour la nuit. On a même filmé combien de temps ça lui prend de ranger ses sacs. »

Des anecdotes à la pelle

Personnage haut en couleur, Jean-Pierre n’a pas la langue dans sa poche. « Il a cette manière de jouer avec les mots, de répondre par des punchlines qui font mouche. Il est à la fois drôle et profond, léger et grave. Il a notamment une théorie sur les caddies de supermarché qui vaut son pesant de cacahuètes. Selon lui, les chariots sont volontairement conçus pour ne pas rouler droit, afin de forcer les clients à regarder les rayons. Ce genre de réflexion, c’est tout lui. »

Les gens le surnomment “Papa Noël”, à cause de sa longue barbe blanche et de son air bienveillant », précise Hugo.

Au fil du temps, Jean-Pierre a fait de la rue son royaume, mais ce choix reste empreint de mystère. « Il parle souvent de liberté. Il pourrait avoir un appartement grâce au RSA, mais il préfère dormir dehors. C’est sa vie, sa décision. Peut-être qu’il y a autre chose, un passé qu’il ne partage pas. On ne sait pas tout, et c’est aussi ce qui fait son secret. »

Dans ce court métrage de 20 minutes, Hugo et Frédéric ne voulaient pas faire un docu classique. « On n’envisageait pas de tomber dans le misérabilisme. On ne désirait pas réaliser un long métrage sur la pauvreté ou sur les difficultés de la rue. Nous souhaitions mettre en avant un homme, sur sa manière unique de voir et de vivre le monde. Jean-Pierre n’est pas juste un sujet, notre sujet. Quand on le filme, on lui donne la parole et on apprend aussi beaucoup de lui. »

En tournant avec Jean-Pierre, Hugo et Frédéric ont découvert un vrai poète de rue. « Ses écrits sont incroyablement variés. Il prendre la plume sur tout : les oiseaux, les gens qu’il croise, les moments de joie, les peines. Son écriture est libre, un peu à la Boris Vian ou à la Jacques Prévert. Il adore les métaphores. Certaines phrases sont presque cryptiques, mais elles frappent toujours. »

Ce n’est pas facile de cirer le parquet en chêne quand on est pris dans des chaînes. » Jean-Pierre. 

Régulièrement, Jean-Pierre donne ses cahiers aux associations rennaises, qu’il appelle son « coffre-fort ». « Il les met en sécurité, pour qu’ils ne soient pas perdus. Certains sont datés et titrés, d’autres sont plus désordonnés. Mais tous racontent une part de lui. Ce serait formidable que ses textes soient un jour édités. Ils méritent d’être lus, partagés. »

Ses écrits sont comme un puzzle : parfois déroutants, souvent lumineux. » Frédéric.

Le film, inspiré sans doute d’une émission culte (Strip-Tease) est une véritable ode à l’humanité. Il invite à regarder différemment ceux que l’on croise sans voir. Et, peut-être, à se demander ce que chacun pourrait composer dans ses propres cahiers. Ce vendredi, la projection au cinéma l’Arvor affiche presque complet, mais une deuxième séance est envisagée. Jean-Pierre devrait être présent à l’Arvor, avec à ses côtés Hugo, Frédéric, le monteur et les musiciens. Jean-Pierre, poète de la rue, d’Hugo Murtas et Frédéric Le Guennec, à l’Arvor, 17 janvier, à 19 h, entrée libre, dans la limite des places disponibles. Réserver par mail : [email protected]

Infos + : une seconde séance aura lieu le dimanche 26 janvier, à 11h30 au cinéma Arvor. La séance sera cette fois-ci payante au prix de 4,90€ et tarifs réduits avec la Carte Sortir. Une partie des recettes sera reversée à Jean-Pierre.  

jean-christophe collet
jean-christophe collet
Lancé par le journaliste Jean-Christophe Collet en 2012/2013, www.rennes-infos-autrement.fr devient un site d’informations en 2015 et est reconnu comme site d’informations en ligne par le ministère de la Culture et de la communication.

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