« Fais attention à ne pas crever », glisse le chef du convoi, concentré, le long d’un chemin vicinal escarpé de la forêt de Brocéliande. Ce mardi 3 juin 2025, les soldats du feu ne luttent pas contre un vrai brasier. Ils participent à un vaste exercice de simulation d’incendie. « En cas de feu de forêt, nous attaquons les flammes par le flanc gauche, puis par le flanc droit. Ensuite, on adapte notre stratégie selon le vent et la météo », explique le commandant, Franck Le Guay. « Le scénario d’aujourd’hui s’inspire d’un sinistre réel survenu en 1976 dans la même zone. L’objectif est de simuler toutes les phases d’un feu majeur, depuis l’attaque initiale jusqu’à la ligne d’appui destinée à stopper la progression des foyers »,
L’opération, débutée à 9 h 30 et achevée en fin de journée, a mobilisé plus de 200 pompiers venus des quatre départements bretons (Ille-et-Vilaine, Finistère, Côtes-d’Armor, Morbihan). À bord d’une trentaine d’engins spécialisés — CCFM (camion citerne feux de forêt moyens) et CCFS (super citernes) — les équipes ont enchaîné les manœuvres sur un terrain exigeant. L’après-midi a vu plusieurs largages aériens. Un hélicoptère Puma de la Sécurité civile, capable de déverser 4 000 litres toutes les cinq minutes, a effectué plusieurs rotations au-dessus du Val sans retour. Il était appuyé par un Dash, bombardier d’eau lourd. « Cette action nécessite une coordination efficace entre tous les pilotes et le poste de commandement à terre », souligne un pompier.
Cette coordination multiservices est justement ce que tenait à signaler Amaury de Saint-Quentin, préfet de région, venu suivre l’exercice sur place, en présence de Jean-Luc Chenut, président du département. « C’est une opération de niveau régional, à dimension interdépartementale, qui implique les SDIS de quatre départements, la Sécurité civile, l’ONF, la chambre d’agriculture, les agriculteurs eux-mêmes… Tous ces acteurs sont devenus des rouages essentiels dans la lutte contre les feux de forêt. »
Depuis trois ans, ce type d’entraînement est organisé chaque année dans un département breton différent. « Nous avons tiré les enseignements des grands brasiers de 2022. Ces exercices sont indispensables pour tester, avant l’été, notre capacité à réagir ensemble, à faire monter en puissance un dispositif, et à intégrer les renforts aériens et terrestres », rappelle le préfet. Durant cette manœuvre, l’importance de la communication sur le terrain a été mise à rude épreuve. « Ce massif n’est pas réputé pour sa couverture réseau. Chaque acteur a ses propres systèmes de diffusion, mais il est impératif qu’ils puissent interagir entre eux. C’est ce que nous éprouvons aujourd’hui », explique-t-il. Historiquement, la Bretagne était peu touchée par les feux de forêt. Mais ce n’est plus le cas. « Le changement climatique fait évoluer notre réalité. Nous commençons à placer certaines communes en vigilance, car les tensions sur la ressource en eau deviennent concrètes. Nous ne sommes plus à l’abri », avertit Amaury de Saint-Quentin.