La légendaire Route 66 est une artère mythique des États-Unis reliant Chicago à Santa Monica. Elle a inspiré des générations d’aventuriers entre 1926 et 1985. Bien que plus modeste en longueur et surtout en notoriété, la RN137, qui rattachait Rennes à Saint-Malo, occupe une place tout aussi chère dans le cœur des habitants de l’Ille-et-Vilaine. Pour nombre d’entre eux, elle n’était pas simplement une route. Elle était le chemin vers la liberté, vers la mer et ses promesses estivales, et le théâtre de souvenirs partagés entre familles et amis.
À une époque où les quatre voies contemporaines n’existaient pas encore, la RN137 était un ruban sinueux au service du tout voiture. Elle serpentait à travers la campagne bretonne et traversait des communes pittoresques. Contrairement à l’actuelle quatre voies, elle empruntait la fameuse route du meuble (La Mézière), où, pour beaucoup, une halte était incontournable pour s’offrir la salle à manger dernier cri, symbole de modernité.
Au fil du trajet, Hédé se présentait comme le premier jalon marquant. Ici, on longeait l’étang avant d’attaquer une série de virages serrés. Le long de cette route sinueuse, les petites auberges invitaient à une pause gourmande, sans la pression des horloges numériques. Plus loin, à la sortie du village perché, des vaches aux yeux mirauds et globuleux regardaient passer les citadins. Elles étaient les témoins silencieux de ces allers-retours en Ford taunus, en Renault Nevada ou encore en 4 L !
À Tinténiac, la ville devenait le théâtre de ralentissements. Son fameux feu de signalisation était trop souvent rouge au goût de la mémé râleuse. A Saint-Domineuc, sa brasserie RN 137 (notre photo) rappelait aux voyageurs qu’ils n’étaient pas sur la Nationale 7. A Pleugueneuc, la pluie n’était jamais loin et rendait les essuie-glaces grinçants obligatoires. Ici, on commençait à sentir les prémices de l’air marin. Mais c’était surtout le château de la Bourbansais, visible de la route qui attirait les regards. En passant devant, beaucoup rêvaient d’une vie de chatelains, loin du tumulte de la ville.
Encore quelques kilomètres, et Châteauneuf d’Ille-et-Vilaine se profilait à l’horizon. Ses maisons anciennes, parfois en ruines, rappelaient que la Rance et ses moulins n’étaient plus très loin. Là, la route des Corsaires touchait à sa fin, après une heure trente de trajet bien loin des quarante-cinq minutes actuelles. C’était à cet instant que les gamins, installés à l’arrière de la voiture, lançaient les paris audacieux « Deux francs, si c’est marée haute », affirmait, goguenard, l’un d’eux. On gagnait une fois deux !
La RN 137, qui s’étendait autrefois de Saint-Malo à Bordeaux, a vu son statut changer au fil des ans. Depuis le décret du 5 décembre 2005, elle n’est plus nationale que sur la portion Nantes-Rennes et pour la desserte de La Rochelle et d’Aytré. La section Rennes–Saint-Malo, quant à elle, a été déclassée en départementale (RD 137) à la fin de l’année 2006. Pour les plus nostalgiques, l’ancienne RN 137 porte désormais le nom de D637, un chiffre qui résonne moins fort, mais qui conserve dans ses méandres l’écho des souvenirs d’autrefois.
Infos + : les communes traversées par cette route sont Saint-Malo (km 0), Saint-Jouan-des-Guérets (km 8), Châteauneuf-d’Ille-et-Vilaine (km 14), Saint-Pierre-de-Plesguen (km 27), Pleugueneuc (km 32), Saint-Domineuc (km 35), Tinténiac (km 43), Hédé (km 47), La Mézière (km 57) et enfin Rennes.
