Non loin de New Dehli, Agra est une cité de contrastes et de cultes. Elle s’impose comme une escale incontournable pour tout voyageur en quête d’Inde éternelle. Ici, le Taj Mahal règne en maître, surplombant une rivière souvent à sec et sans doute polluée. Cette perle de marbre blanc, aux mosaïques froides, attire les foules du monde entier. Le visiter, c’est entrer dans une parenthèse suspendue au milieu d’un ballet de touristes venus des quatre coins du globe.
Mais à peine le regard s’est-il régalé de cette splendeur blanche que l’on cherche ailleurs, vers un charme plus discret. On s’échappe bien vite vers le tombeau de Mîrzâ Ghiyâs Beg, surnommé le « petit Taj Mahal ». Moins connu, plus intime, ce mausolée baigne dans une ambiance apaisée. Elle est entourée de jardins où l’on flâne en silence, porté par des souvenirs impériaux et immémoriaux.
Agra se découvre en tuk-tuk, ces pousse-pousse à quatre roues qui se faufilent entre les voitures, les vaches sacrées et les mobylettes pétaradantes. De ces bolides urbains, la ville se révèle dans tout son enchevêtrement d’échoppes colorées, de masures brinquebalantes et de ruelles animées où les singes dansent sur les toits ou se balancent le long des lignes électriques. Dans cette mosaïque humaine, les tenues traditionnelles étincellent encore de fils d’or, même si les jeunes adoptent de plus en plus les habits occidentaux. « C’est pour faire moderne », glisse le guide avec un clin d’œil.
Agra, derrière ses joyaux moghols, est une ville en clair-obscur, où les fastes de marbre blanc côtoient la terrible misère. Sitôt le Taj Mahal laissé derrière, les rues deviennent plus bien vite sont poussiéreuses. Elles sont bordées de masures en tôle ondulée, où les enfants jouent pieds nus entre les flaques stagnantes, les déchets plastiques et les restes abandonnés des affres hideuses de la modernité. Le contraste est frappant.
À quelques encablures du mausolée impérial, des familles vivent sous des bâches entre deux murs décrépits. Les ordures s’entassent au pied des temples. Les mendiants, invisibles dans les brochures touristiques, tendent la main sans un mot, assis à même le sol, dans une circulation aussi dense qu’imprévisible. Ici, pas de feux rouges, pas de règles : seulement le chaos, orchestré dans un ballet permanent de klaxons où le « Pousse-toi de là que je m’y mette ! » semble être la devise tacite de cette ville en mouvement. Un paradoxe qui, peut-être, rend cette ville plus humaine que majestueuse.