Depuis plusieurs mois, la capitale bretonne vit à l’heure des règlements de compte et des fusillades. Devant ces événements, la maire Nathalie Appéré a été accusée de déni par son opposition. Lors d’un récent conseil municipal, ce lundi dernier, elle est finalement sortie de son silence. Dans un long discours soigneusement préparé, elle a reconnu la gravité de la situation. « La puissance des narcotrafiquants semble sans limite », a-t-elle déclaré. « Des mafias internationales menacent les fondements de la République. Au bout de cette chaîne criminelle, il y a nos villes, nos quartiers et nos habitants qui se trouvent confrontés à la violence.»
Face à la question du trafic de stupéfiants, Nathalie Appéré a appelé à une mobilisation à grande échelle. « Il n’y a pas de solution miracle ni ici ni ailleurs. Il faut un combat lucide et déterminé des États et de l’Union européenne. Il faut des enquêtes, des procès, des condamnations, des juridictions spécialisées, des policiers. Il faut aussi de la prévention et des actions d’éducation pour s’occuper des consommateurs. Il faut de la coordination au quotidien dans les territoires, entre les autorités et les différents acteurs. Pour tout cela, il faut des moyens étatiques. »
Malgré son appel à l’État, la maire a défendu paradoxalement les efforts menés au niveau local depuis 2014. Sous son mandat, les effectifs de la police municipale ont été doublés, les patrouilles triplées et les horaires d’intervention étendus. « Nous avons complété leur armement. Nous avons créé une brigade canine et anticivilité», ajoute-t-elle. Parallèlement, elle a renforcé son dispositif de vidéoprotection de voie publique. « Nous disposons de plus de 4600 caméras sur le territoire de la ville de Rennes. Les phénomènes de violences liés au narcotrafic sont graves. Mais ils doivent être regardés avec la bonne focale et les actions doivent être menées au bon niveau. »
Écologiste, Laurent Hamon attaque le Gouvernement. « En voulant faire porter le chapeau aux municipalités de gauche à droite, les Macronistes occultent les conséquences de leurs propres choix politiques. » Comme Nathalie Appéré, il croit en une démarche nationale. « La commission sénatoriale transpartisane sur le narcotrafic appelle à un plan d’urgence pour renforcer les services d’enquête et les juridictions. Elle propose notamment la création d’un parquet antistupéfiant. Pour lutter efficacement contre le trafic de drogue, il est crucial de s’attaquer aux grands trafiquants, en particulier ceux qui orchestrent leur activité depuis l’étranger. Il faut arrêter de regarder le problème par le petit bout de la lorgnette. Nous voyons bien désormais les limites de cette vision sécuritaire qui ne parvient pas à voir la question dans son ensemble et à appréhender le trafic dans toute sa complexité. »
À la différence de la droite, la gauche veut redonner toute leur place au travail social, aux politiques de santé. « Ce qu’on ne fait pas aujourd’hui en matière de prévention, nous le paierons demain en matière de répression et sans aucune garantie de résultat. Nous sommes présents dans chaque quartier et nous ne lâcherons rien. Nous cherchons à défendre chaque mètre carré de notre ville. Car faire reculer les trafics, c’est aussi réinvestir l’espace public et le rendre vivant. Il est également important de renforcer les moyens humains pour la prévention et la médiation. »
Autre soldat de Nathalie Appéré, Sébastien Séméril a tenu à saluer la politique de la ville. « À notre échelle, nous déployons une énergie quotidienne et des investissements massifs en faveur de la tranquillité publique. Chaque euro dépensé pour l’éducation, la médiation, la rénovation urbaine, la vie associative, l’insertion professionnelle sont autant d’argent pour la sécurité des ménages. » Même son de cloche chez Cyrille Morel, adjoint. « Personne, ici, n’accepte que des familles vivent dans la peur, que des jeunes soient embrigadés dans des circuits sauvages. Chaque institution doit prendre sa part dans cette bataille selon ses compétences, pour une approche globale et coordonnée. »
Un combat de tous les instants
Dans les mois à venir, l’adjointe au maire, Lenaïg Briéro va lancer un plan d’action pour prévenir l’entrée des jeunes dans la drogue sur trois ans. « Le trafic sera abordé avec différents outils des vidéos, des bandes dessinées et des marches exploratoires dans le quartier de vie des jeunes. L’ensemble des élèves prioritaires bénéficieront durant trois ans de ces actions de sensibilisation. C’est une bataille qui demande un peu plus que de la gesticulation et des effets de manche. C’est un combat qui est de la responsabilité du collectif, de la mise en commun de moyens pour assurer la cohérence et l’efficacité des actions engagées », convient LenaÏg Brioéro.
En complément, des interventions contre la récidive seront effectuées auprès d’une quarantaine de jeunes âgés de 16 à 21 ans. « Il s’agit de confier à un petit groupe la réalisation d’une campagne de communication visant à élaborer des messages de prévention adaptés pour grand public. Pour terminer, une étude sera accomplie sur trois ans pour mieux cerner le parcours des consommateurs qui sont happés par le trafic. L’objectif est de pratiquer une photographie plus réaliste du profil de ces jeunes et de les accompagner dans leur rémission. Cette étude sera portée par le laboratoire de recherche en psychocriminologie de l’Université de Rennes. »
De la sécurité
Mais face aux bonnes intentions, l’opposition n’est pas tendre. « La prise de conscience reste partielle, voire cache un déni persistant devant la vérité », explique Carole Gandon, porte-parole de Révéler Rennes. « Le client est le grand absent de votre plan. Ignorer le rôle de celles et ceux qui achètent le produit final, c’est fermer les yeux sur une exploitation cynique et organisée des mineurs par une ville qui se prétendent engagée pour le droit des enfants. Rennes est une cité accueillante, mais derrière ce slogan, la réalité est tout autre. La municipalité tolère des situations qui facilitent l’ancrage de réseaux criminels. Combien de fois avons-nous vu ce même scénario se répéter ? Les camps de migrants s’installent, les trafics se développent, les associations se retirent pour des raisons de sécurité et la mairie finit par appeler l’État pour un démantèlement (propos tenus sous les broncas). Peut-être est-il temps de revoir votre politique en accueillant moins, mais mieux ? Vos bonnes intentions ne suffisent pas. Elles laissent prospérer des réseaux qui exploitent, notamment des mineurs. »
De l’autre côté de l’opposition, Charles Compagnon n’est pas plus tendre ! « La sécurité explose dans la qualité et dans la quantité, si je peux m’exprimer ainsi. Les attaques se multiplient partout dans les quartiers. » Lui, comme Carole Gandon, demande le doublement des effectifs de la police municipale, la création d’une brigade de nuit, le déploiement massif de la vidéo protection, l’armement létal… « Nathalie Appéré, je vous enjoins de construire un futur budget où la sécurité sera la priorité ! Accuser les autres n’est pas une option digne. Ce n’est pas parce que l’État ne fait pas assez, que la mairie ne doit pas faire plus ! » Entre les appels au Gouvernement pour davantage de moyens et les critiques sur l’insuffisance des actions locales, la situation reste tendue. Une approche plus globale, mêlant fermeté et prévention, semble nécessaire pour restaurer la sérénité.