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CONTRE L’ABATTAGE DES ARBRES DE L’AVENUE JANVIER : LE PHILOSOPHE ÉCRIT UN OUVRAGE

Lors du conseil municipal du 22 mai 2017, la municipalité rennaise a décidé de procéder à l’abattage des 85 arbres de l’avenue Janvier. Choqué par cette décision, Pascal Rougé, professeur de philosophie et écrivain, a vivement réagi sur les réseaux sociaux. Quelques mois après, il a pris sa plume pour rédiger un essai, Plaidoyer en faveur des arbres de l’Avenue Janvier. Nous avons interrogé le philosophe-citoyen sur son engagement intellectuel en faveur de arbres et du bien-être à Rennes.

Qu’est-ce qui pousse un philosophe à s’intéresser à l’abattage d’arbres d’une rue rennaise ?

Tout d’abord, la nuance est grande, je ne suis pas « philosophe » mais professeur de philosophie. Tout au moins, je tâche de l’être. Pour les arbres de l’avenue de Janvier à Rennes, en tant que citoyen, c’est l’effet de sidération qui prédomine. Je ne comprends pas qu’une ville comme Rennes, dont toutes les places ont été bétonnisées depuis des années, continue sur sa lancée à « maltraiter » la nature dans le centre-ville. Ensuite, c’est l’irrationnalité de cette décision municipale. Rien ne justifie qu’on abatte des arbres qui se trouvent dans un état sanitaire optimal, – arbres qui peuvent encore prospérer au moins 50 ans et plus. Enfin, les arguments avancés par la Ville pour faire table rase de ces arbres (agrandissement des trottoirs, dégager la perspective sur la future « colline paysagère », coût de l’élagage, etc.) sont tellement fallacieux qu’on se demande, in fine, si l’on ne prend pas les Rennais (es) pour des demeuré(e)s. Heureusement que le slogan de la Ville de Rennes est « Vivre en intelligence »…

Que pensez-vous de tous les jardins supprimés lors des destructions de vieilles demeures rennaises ?

Je ne suis pas spécialiste mais il est évident, vu de l’extérieur, que c’est un désastre et une calamité écologiques. Supprimer des micro-écosystèmes, abolir toute trame verte composée de haies et d’espèces végétales variées où se nichent insectes et oiseaux, anéantir progressivement toutes arborescences végétales, tout ceci ne fait que manifester « l’hubris » de l’équipe municipale qui se veut plus cartésienne que Descartes. On est là dans une logique de l’emprise, de la maîtrise de toutes choses, de la prédation et de la déprédation qui défendent un modèle économique, il faut dire, capitaliste. Mais il y a plus ou pire. Au nom du profit mâtiné de la fausse excuse de la démographie galopante, la Ville de Rennes en détruisant ces maisons anciennes lacère notre mémoire et révise notre histoire urbanistique, en produisant d’énormes traumatismes qu’elle ne mesure pas. D’ailleurs, je pense que, collégialement, elle s’en fiche.

Le Corbusier parlait de sa Cité radieuse avec des immeubles laids, ne pensez-vous pas qu’on est à peu près dans la même confusion avec l’urbanisme actuel ?

Quelle Cité radieuse ? La priorité est le « bien-être » de tous, pas de quelques-uns, les déjà mieux-lotis. L’urbanisme actuel c’est du macronisme coulé dans du béton. L’urbanisme actuel à Rennes n’est pas confus mais très clair au contraire : il obéit à la loi destructrice créatrice de richesses de Schumpeter. La matrice des valeurs de cette cité non pas radieuse mais « piteuse » consiste à s’agenouiller religieusement devant le dieu Moloch de l’économie débridée. Autrement dit, l’urbanisme actuel est une fuite en avant qui oublie le présent.

L’écologie a-t-elle un sens politique lorsqu’elle est confrontée au principe de réalité ?

Le problème avec le principe de réalité qu’on nous assène à longueur de temps est qu’il est devenu un principe de plaisir. Plaisir de détruire pour marquer, dans les livres d’histoire, sa petite originalité de « maire bâtisseur ». Plaisir d’anéantir l’existant naturel pour le remplacer par un existant artificiel. Plaisir de satisfaire des instincts assez grégaires où l’enrichissement est devenu la règle d’or. Au milieu de cet hédonisme économique, l’écologie politique tente de survivre avec beaucoup d’imposture. C’est pourquoi elle se ment et surtout nous ment sur certains dossiers. Il faudrait analyser les silences de l’écologie politique sur les grands travaux qu’elle ne devrait pas cautionner si elle était plus honnête.  

Comment voyez-vous l’avenir de l’urbanisme rennais ?

Si ce qu’on nous présente est l’avenir de… l’humanité urbanistique, on peut supposer que dans un siècle Cesson-Sévigné, Saint-Grégoire, Montgermont, Saint-Jacques-de-la-Lande, Chantepie, Bruz et bien d’autres villes composeront une petite mégalopole qui, comme une pieuvre vorace, phagocytera tout le territoire à partir du centre. Ce qui est déjà le cas. Il n’y aura plus de champs, de prairies, de verts pâturages à moins de 30 à 40 km de la place de la mairie. Il ne restera plus pour les citadins rennais qui veulent se promener que des parcs où la nature est confinée ainsi que des bases prévisibles de loisirs pédestres et, bien sûr, des ébahissements sur commande. Une belle aliénation pasteurisée en perspective en fait.

Plaidoyer en faveur des arbres de l’avenue Janvier, 9 euros, sera en vente à la fin de la concertation prévue par la mairie.

https://editionsletempsquipasse.wordpress.com/

Dragan Brkic
Dragan Brkic
Écrivain, j'ai publié Le Petit Noir des Balkans, Prière d'insérer, La condition pénitentiaire, Footness et Comprendre la délinquance française.

1 commentaire

  1. Bonjour,
    Je partage complètement l’avis de Pascal Rougé, rennaise depuis 60 ans, je vois le béton se répandre dans tous les quartiers, et les « maisons et hôtels de caractère » disparaître au profit des promoteurs immobiliers.
    Merci pour cet article.

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